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Histoire et Tradition Orale


Djibril Tamsir Niane
Soundjata ou l'épopée mandingue
Paris. Présence africaine. 1960. 212 pages


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Le Réveil du Lion

Quelque temps après cette entrevue entre Naré Maghan et son fils, le roi mourut. Le fils de Sogolon n'avait que sept ans ; le conseil des anciens se réunit dans le palais; du roi, Doua eut beau défendre le testament du roi qui réservait le trône à Mari Djata le conseil ne tint nul compte du voeu de Naré Maghan. Les intrigues de Sassouma Bérété aidant, Dankaran Touman fut déclaré roi, un conseil de régence fut formé où la reine-mère était toute puissante. Peu de temps après Doua mourut.

Comme les hommes ont la mémoire courte, du fils de Sogolon on ne parlait qu'avec ironie et mépris : on a vu des rois borgnes, des rois manchots, des rois boiteux, mais des rois perclus des jambes personne n'en avait jamais entendu parler. Pour grand que soit le destin prédit à Mari-Djata, on ne peut donner le trône à un impuissant des jambes; si les génies l'aiment, qu'ils commencent par lui donner l'usage de ses jambes. Tels étaient les propos que Sogolon entendait tous les jours. La reine-mère Sassouma était la source de tous ces propos.

Devenue toute-puissante Sassouma Bérété persécuta Sogolon que feu Naré Maghan lui avait préférée ; elle exila Sogolon et son fils dans une arrière cour du palais ; la mère de Mari Djata habitait maintenant une vieille case qui avait servi de débarras à Sassouma.

La méchante reine-mère laissait la voie libre à tous les curieux qui voulaient voir l'enfant qui, à sept ans, se traînait encore par terre ; presque tous les habitants de Niani défilèrent dans le palais ; la pauvre Sogolon pleurait de se voir ainsi livrée à la risée publique. Devant la foule des curieux, Mari Djata prenait un air féroce. Sogolon ne trouvait un peu de consolation que dans l'amour de sa première fille, Kolonkan; elle avait quatre ans et marchait, elle, elle semblait comprendre toutes les misères ; de sa mère; déjà elle l'aidait aux travaux ménagers; quelquefois quand Sogolon vaquait à ses travaux, c'est elle qui se tenait auprès de sa sœur Djamarou, encore toute petite.

Sogolon Kedjou et ses enfants vivaient des restes de la reine-mère ; elle tenait derrière le village un petit jardin dans la plaine ; c'était là qu'elle passait le plus clair de son temps, à soigner ses oignons, ses gnougous. Un jour elle vint à manquer de condiments et elle alla chez la reine-mère quémander un peu de feuilles de baobab.
– Tiens, fit la méchante Sassouma, j'en ai plein la calebasse, sers-toi, pauvre femme. Moi, mon fils à sept ans savait marcher et c'est lui qui allait me cueillir des feuilles de baobab. Prends donc, pauvre mère puisque ton fils ne vaut pas le mien. Puis, elle ricana, de ce ricanement féroce qui vous traverse la chair et vous pénètre jusqu'aux os.
Sogolon Kedjou en était anéantie. Elle n'avait jamais pensé que la haine pût être si forte chez un être humain ; la gorge serrée elle sortit de chez Sassouma. Devant sa case Mari-Djata, assis sur ses jambes impuissantes, mangeait tranquillement dans une calebasse. Ne pouvant plus se contenir Sogolon éclata en sanglots, se saisit d'un morceau de bois et frappa son fils.
– O fils de malheur, marcheras-tu jamais ! Par ta faute je viens d'essuyer le plus grand affront de ma vie ! Qu'ai-je fait, Dieu, pour me punir de la sorte ?
Mari-Djata saisit le morceau de bois et dit en regardant sa mère :
– Mère, qu'y a-t-il ?
– Tais-toi, rien ne pourra jamais me laver de cet affront.
– Mais quoi donc ?
– Sassouma vient de m'humilier pour une histoire de feuille de baobab. A ton âge son fils à elle marchait et apportait à sa mère des feuilles de baobab.
– Console-toi, mère, Console-toi !
– Non, C'est trop, je ne puis.
– Eh bien, je vais marcher aujourd'hui, dit Mari-Djata. Va dire aux forgerons de mon père de me faire une canne en fer la plus lourde possible. Mère, veux-tu seulement des feuilles de baobab, ou bien veux-tu que je t'apporte ici le baobab entier ?
– Ah fils ! je veux pour me laver de cet affront le baobab et ses racines à mes pieds devant ma case.
Balla Fasséké qui était là, courut chez le maître des forges, Farakourou, commander une canne de fer.

Sogolon s'était assise devant sa case; elle pleurait doucement en se tenant la tête entre les deux mains. Mari-Djata revint tout tranquillement à sa calebasse de riz et se remit à manger comme si rien ne s'était passé ; de temps à autre il levait un regard discret sur sa mère qui murmurait tout bas : « Je veux l'arbre entier, devant ma case, l'arbre entier. »
Tout -à coup une voix éclata de rire derrière la case : c'était Sassouma la méchante qui racontait la scène de l'humiliation à une de ses servantes et elle riait fort afin que Sogolon l'entende. Sogolon s'enfuit dans la case et cacha son visage sous les couvertures afin de ne pas avoir sous les yeux ce fils impassible, plus préoccupé de manger que de toute autre chose. La tête enfouie dans les couvertures, Sogolon sanglotait, son corps s'agitait nerveusement ; sa fille Sogolon-Diamarou était venue s'asseoir auprès d'elle et disait
– Mère, mère, ne pleure pas, pourquoi pleures-tu ?
Mari-Djata avait fini de manger, se traînant sur ses jambes il vint s'asseoir sous le mur de la case, car le soleil devenait brûlant ; à quoi pensait-il ? Lui seul le savait.

Les forges royales se trouvaient hors les murs ; plus d'une centaine de forgerons y travaillaient. C'était de là que sortaient les arcs, les lances, les flèches et les boucliers des guerriers de Niani. Quand Balla Fasséké vint commander une canne de fer, Farakourou lui dit :
– Le grand jour est donc arrivé ?
– Oui, aujourd'hui est un jour invraisemblable aux autres, mais aujourd'hui verra ce qu'aucun autre jour n'a vu.
Le maître des forges, Farakourou, était le fils du vieux Nounfairi; c'était un devin comme son père. Il y avait dans ses ateliers une énorme barre de fer fabriquée par son père Nounfaïri tout le monde se demandait à quel usage on destinait cette barre. Farakourou appela six de ses apprentis et leur dit de porter la barre chez Sogolon.
Quand les forgerons déposèrent l'énorme barre de fer devant la casse, le bruit fut si effrayant que Sogolon, qui était couchée, se leva en sursaut. Alors Balla Fasséké, fils de Gnankouman Doua parla :
– Voici le grand jour, Mari Djata. Je te parle, Maghan, fils de Sogolon. Les eaux du Djoliba peuvent effacer la souillure du corps; mais elles ne peuvent laver d'un affront. Lève-toi jeune lion, rugis, et que la brousse sache qu'elle a désormais un maître.

Les apprentis forgerons étaient encore là ; Sogolon était sortie ; tout le monde regardait Mari Djata; il rampa à quatre pattes et s'approcha de la barre de fer. Prenant appui sur ses genoux et sur une main, de l'autre il souleva sans effort la barre de fer et la dressa verticalement ; il n'était plus que sur ses genoux, il tenait la barre de ses deux mains. Un silence de mort avait saisi l'assistance. Sogolon Djata ferma les yeux, il se cramponna, les muscles de ses bras se tendirent d'un coup sec il s'arc-bouta et ses genoux se détachèrent de terre ; Sogolon Kedjou était tout yeux, elle regardait les jambes de son fils, qui tremblaient comme sous une secousse électrique. Djata transpirait et la sueur coulait de son front. Dans un grand effort il se détendit et d'un coup il fut sur ses deux jambes, mais la grande barre de fer était tordue et avait pris la forme d'un arc.
Alors Balla Fasséké cria l'hymne à l'arc qu'il entonna de sa voix puissante:

Quand Sogolon vit son fils debout, elle resta un instant muette et soudain elle chanta ces paroles de remerciement à Dieu qui avait donné à son fils l'usage de ses pieds.

Debout, dans l'attitude d'un soldat qui se tient au repos, Mari Djata appuyé sur son énorme canne transpirait à grosses gouttes, la chanson de Balla Fasséké avait alerté tout le palais ; les gens accouraient de partout pour voir ce qui s'était passé et chacun restait interdit devant le fils de Sogolon ; la reine-mère était accourue, quand elle vit Mari-Djata debout, elle trembla de tout son corps. Quand il eut bien soufflé, le fils de Sogolon laissa tomber sa canne, la foule s'écarta : ses premiers pas furent des pas de géant, Balla Fasséké lui emboîta le pas, montrant Djata du doigt, il criait :

Derrière Niani il y avait un jeune baobab; C'est là que les enfants de la ville venaient cueillir des feuilles pour leur mère. D'un tour de bras, le fils de Sogolon arracha l'arbre et le mit sur ses épaules et s'en retourna auprès de sa mère. Il jeta l'arbre devant la case et dit :
– Mère, voici des feuilles de baobab pour toi. Désormais c'est devant ta case que les femmes de Niani viendront s'approvisionner.

Sogolon Djata a marché. De ce jour la reine mère ne fut plus tranquille. Mais que peut-on contre le destin ? Rien. L'homme, sous le coup de certaines illusions, croit pouvoir modifier la voie que Dieu a tracée, mais tout ce qu'il fait entre dans un ordre supérieur qu'il ne comprend guère. C'est pourquoi les efforts de Sassouma furent vains contre le fils de Sogolon ; tout ce qu'elle fit était dans le destin de l'enfant. Hier, méprisé et objet de la risée publique, le fils de Sogolon était maintenant aussi aimé qu'il avait été méprisé. La foulé aime et craint la force ; tout Niani ne parlait que de Djata, toutes les mères poussaient leurs fils à devenir les compagnons de chasse de Djata, à partager ses jeux comme si elles voulaient faire profiter leur progéniture de la gloire naissante du fils de la femme-buffle. Les paroles de Doua le jour du baptême revinrent à la mémoire des hommes ; on entourait maintenant Sogolon de beaucoup de respect et dans les conversations on aimait opposer la modestie de Sogolon à l'orgueil et à la méchanceté de Sassouma Bèrèté c'était parce que la première avait été une femme et une mère exemplaires que Dieu avait rendu la force aux jambes de son fils car disait-on, plus une femme aime son mari, plus elle le respecte, plus elle souffre pour son enfant plus celui-ci sera valeureux un jour. Chacun est le fils de sa mère : l'enfant né vaut que ce que vaut sa mère. Il n'était point étonnant que le roi Dankaran Touman fut si terne, sa mère jamais n'avait manifesté le moindre respect à son mari, elle n'avait jamais, devant le feu roi, l'humilité que doit avoir toute femme devant son mari : on rappelait ses scènes de jalousie, les propos méchants qu'elle faisait circuler sur le compte de sa co-épouse et de son enfant. Et les gens concluaient gravement : « Personne ne connaît le mystère de Dieu, le serpent n'a pas de pattes, mais il est aussi rapide que n'importe quel autre animal qui a quatre pattes. »

La popularité de Sogolon Diata grandissait de jour en jour ; il était entouré d'une bande d'enfants du même âge que lui : c'était Fran Kamara, le fils du roi de Tabon, c'était Kamandjan, fils du roi de Sibi et d'autres princes encore, que leurs pères avaient envoyés à la cour de Niani
Déjà Manding Bory, le fils de Namandjé se mêlait à leurs jeux. Balla Fasséké suivait tout le temps Sogolon Djata, il avait vingt ans passés, lui. C' était lui qui donnait à l'enfant l'éducation et l'instruction selon les principes du Manding ; il ne manquait aucune occasion d'instruire son élève à la chasse ou en ville. Plusieurs jeunes garçons de Niani venaient se joindre aux jeux du royal enfant.
Celui-ci aimait surtout la chasse; Farakourou le maître des forges, avait fait pour Diata un bel arc ; Mari-Djata se révéla un bon tireur à l'arc. Avec sa bande il faisait de fréquentes sorties et le soir tout Niani était sur la place pour assister à l'entrée des jeunes chasseurs ; la foule chantait l'hymne à l'arc créé par Balla Fasséké et c'est tout jeune que Sogolon Djata reçut le titre de Sïmbon, ou maître chasseur, qu'on n'accorde qu'aux grands chasseurs qui ont fait leurs preuves.

Tous les soirs devant sa case, Sogolon Kedjou réunissait Djata et ses compagnons ; elle leur racontait les histoires des bêtes de la brousse, les frères muets des hommes ; le fils de Sogolon apprit à faire la distinction entre les animaux il sut pourquoi le buffle est le double de sa mère il sut aussi pourquoi le lion était le protecteur de la famille de son père. Il écoutait aussi l'histoire des rois que lui racontait Balla Fasséké ; il écoutait avec ravissement l'histoire de Djoulou Kara Nain, le grand roi de l'or et de l'argent, celui dont le soleil a brillé sur toute une moitié du monde 1. Sogolon initia son fils à certains secrets, elle lui révéla le nom des plantes médicinales que tout grand chasseur doit connaître. Ainsi, entre sa mère et son griot, l'enfant sut tout ce qu'il fallait savoir.

Le fils de Sogolon avait maintenant dix ans. Sogolon-Djata, sous la langue rapide des maninka, est devenu Soundjata ou Sondjata. C'était un jeune garçon plein de vigueur ; ses bras avaient la force de dix bras, ses biceps faisaient peur à ses compagnons. Il avait déjà le parler autoritaire de ceux qui doivent commander; Manding Bory, son frère, devint son meilleur ami ; dès qu'on voyait Djata, aussitôt Manding Bory se faisait voir; ils étaient comme l'homme et son ombre. Fran Kamara et Kamandjou étaient les meilleurs amis des jeunes princes; Balla Fasséké les suivait comme un ange gardien.

Mais la popularité de Soundjata fut telle que la reine mère s'inquiéta pour le trône de son fils ; Dankaran Touman était ce qu'il y a de plus effacé; à dix huit ans il était encore sous l'influence de sa mère et de quelques vieux intrigants. Sous son nom c'était Sassouma Bérété qui régnait. La reine-mère voulut mettre fin à cette popularité en tuant Soundjata et c'est ainsi qu'une nuit elle reçut chez elle les neuf grandes sorcières du Manding. C'étaient de vieilles femmes ; la plus âgée, la plus dangereuse aussi, s'appelait Soumosso Konkomba ; quand les neuf mégères se furent assises en demi-cercle autour de son lit la reine-mère dit :
– Vous qui régnez dans la nuit, vous puissances nocturnes, vous qui détenez le secret de la vie, vous qui pouvez mettre fin à une vie, pouvez-vous m'aider ?
– La nuit est puissante, dit Soumosso Konkomba, ô reine, dites-nous ce qu'il faut faire, sur qui faut il diriger la lame fatale ?
– Je veux supprimer Soundjata, dit Sassouma. Son destin s'oppose à celui de mon fils ; il faut le tuer quand il en est temps encore ; si vous réussissez je vous promets les plus belles récompenses ; avant tout je donne à chacune une vache et son veau et dès demain allez aux greniers royaux de ma part et chacune de vous recevra cent mesures de riz et cent mesures de foin.
– Mère du roi, reprit Soumosso Konkomba, la vie ne tient qu'à un fil très mince ; mais tout est lié ici-bas. La vie a une cause, la mort aussi. L'une sort de l'autre , votre haine a une cause, votre action doit avoir une cause. Mère du roi tout se tient, notre action n'aura d'effet que si nous sommes en cause, mais Mari-Djata ne nous a rien fait de mal ; il nous est donc difficile de l'atteindre.
– Mais vous êtes en cause; répliqua la reine-mère, car le fils de Sogolon sera un fléau pour nous tous.
– Le serpent mord rarement le pied qui ne marche pas, dit une des sorcières.
– Oui, mais il y a des serpents qui s'en prennent à tout le monde. Laissez grandir Soundjata et nous nous en repentirons tous. Allez demain dans le potager de Sogolon et faites mine de cueillir quelques feuilles de gnougou, Mari-Djata y monte la garde ; vous verrez combien ce garçon est méchant, il n'aura nul égard à votre âge, il vous rossera.
– L'idée est ingénieuse, fit l'une des mégères.
– Mais la cause de notre mécontentement sera nous-mêmes, nous aurons touché quelque chose qui ne nous appartient pas.
– Nous récidiverons, fit une autre, et s'il nous battait à nouveau nous pourrions lui reprocher d'être méchant, d'être sans coeur. Là nous serions en cause, je crois.
– L'idée est ingénieuse, dit Soumosso Konkomba. Nous irons demain dans le potager de Sogolon.
–Voilà qui est bien trouvé, conclut la reine-mère en riant de joie. Allez demain dans le potager, vous verrez que le fils de Sogolon est méchant.
– Auparavant présentez-vous aux greniers royaux où vous toucherez ce que je vous ai promis en grains ; les vaches et leurs veaux sont déjà à vous.
Les vieilles mégères s'inclinèrent. Elles disparurent dans la nuit noire. La reine-mère était maintenant seule, elle savourait d'avance sa victoire. Mais sa fille Nana Triban se réveilla.
– Mère, avec qui causais -tu ? J'ai cru entendre des voix.
– Dors ma fille, ce n'est rien. Dors, tu n'as rien entendu.

Le matin, selon son habitude, Soundjata réunit ses compagnons devant la case de sa mère et dit :
– Quel animal allons-nous chasser aujourd'hui ?
– Je voudrais bien qu'on s'attaquât aux éléphants maintenant, fit Kamandjan.
– Oui, je suis de cet avis, fit Fran Kamara, cela nous permettra d'aller loin dans la brousse.
Et la jeune troupe partit après que Sogolon eut rempli les sassa de provisions de bouche.

Soundjata et ses compagnons rentrèrent tard au village, mais auparavant Djata voulut, selon son habitude, jeter un coup d'oeil sur le potager de sa mère. C'était le crépuscule ; il y trouva les neuf sorcières qui maraudaient des feuilles de gnougou, elles firent mine de s'enfuir comme des voleurs qu'on surprend.
– Arrêtez, arrêtez, pauvres vieilles, dit Djata. Qu'avez vous à fuir ainsi ? Ce jardin appartient à tous.
Aussitôt ses compagnons et lui remplirent les calebasses des vieilles mégères de feuilles, d'aubergines et d'oignons.
– Chaque fois que vous manquerez de condiments, venez sans crainte vous ravitailler ici.
– Tu nous désarmes, dit une des neuf mégères.
– Et tu nous confonds par ta bonté, ajouta une autre.
– Ecoute, Djata, dit Soumosso Konkomba. Nous étions venues pour t'éprouver. Nous n'avons nul besoin de condiments, mais ta générosité nous désarme. Nous étions envoyées par la reine-mère pour te provoquer et attirer sur toi les colères des puissances nocturnes. Mais on ne peut rien contre un coeur plein de bonté. Et dire que nous avons; déjà touché cent mesures de riz et cent mesures de mil; en plus la reine promet à chacune de nous une vache et son veau. Pardonne-nous, fils de Sogolon.
– Je ne vous en veux pas, dit Djata. Tenez, je rentre de la chasse avec mes compagnons : nous avons tué dix éléphants; eh bien je donne à chacune de vous un éléphant et voilà de la viande pour vous.
– Merci, fils de Sogolon.
– Merci, enfant de la justice.
– Nous veillerons désormais sur toi, conclut Soumosso Konkomba.
Et les neuf sorcières disparurent dans la nuit.
Soundjata et ses compagnons reprirent la route de Niani et rentrèrent quand il faisait déjà nuit.
– Tu as eu bien peur, dit Sogolon Kolonkan, la jeune soeur de Djata ; elles t'ont fait peur les neuf sorcières;, hein !
– Comment le sais-tu ? fit Soundjata étonné.
– Je les ai vues la nuit machinant leur pro jet, mais je savais qu'il n'y avait pas de danger pour toi.
Kolonkan était très versée dans l'art de la sorcellerie et elle veillait sur son frère sans que celui-ci s'en doutât.

Note
1. Djoulou Kara Naini est la déformation mandingue de Doul. Kara Naïn c'est le nom donné à Alexandre le Grand par les musulmans. Dans toutes les traditions du Manding on aime souvent comparer Soundjata à Alexandre. On dit qu'Alexandre fut l'avant-dernier conquérant du monde et Soundjata le septième et dernier conquérant.


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