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Histoire


Ibrahima Khalil Fofana
L'Almami Samori Touré. Empereur
Récit historique

Présence Africaine. Paris. Dakar. 1998. 133 pages


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Introduction

Héros de la résistance africaine à l'intrusion coloniale, la grande figure de l'Almami Samori a suscité un vif intérêt dans l'historiographie coloniale d'abord, ensuite dans celle initiée par le puissant mouvement de réhabilitation politique et culturelle des années cinquante.
Une abondante littérature historique vit le jour sous la plume d'historiens, les uns laudateurs zélés du héros, les autres le jetant en pâture aux oiseaux de proie qui auraient reçu mission de sauvegarder la pureté d'un monde irrémédiablement réglé aux normes de la civilisation européenne, dite occidentale.
Le combat mené, sans complaisance aucune, a été remporté par les historiens progressistes s'attachant à rétablir la vérité historique.
Il convient de souligner que les auteurs africains ne détiennent pas l'exclusivité de la palme de cette victoire. D'éminents érudits tels que : Yves Person, Jean Suret-Canale ont puissamment contribué à la réhabilitation de l'oeuvre de l'Almami Samori Touré. La phase de réhabilitation achevée, l'impression qui domine privilégie, à notre avis, le héros par rapport au souverain dont les sujets étaient estimés à plus d'un million en 1885 1.
Cette situation de déséquilibre se justifie par le fait que l'initiative de fixer l'histoire de l'Almami Samori Touré pour la postérité a été l'œuvre de ceux qui l'ont combattu et anéanti.
Nous n'insisterons plus sur les motivations de cette initiative, ni sur l'importance qu'elle a revêtue pour le sentiment national français au xix, siècle.
Mais la conséquence de cette approche est que les historiens africains ont été contraints au départ de s'engager dans la voie de la défensive. Ils ont été ainsi amenés à consacrer beaucoup d'attention et d'efforts de recherche à ce qui avait trait au résistant à la colonisation.
Il y a certainement possibilité d'évoluer à présent vers une autre phase de la connaissance de l'Almami Samori, en prenant en considération cette vérité première : L'Almami Samori n'a pas créé un empire pour résister a la colonisation ! Il y a été contraint par les vicissitudes de l'histoire. Pour lui, son entreprise avait d'autres objectifs : mettre fin, entre autres, à l'anarchie en rassemblant sous son autorité un vaste ensemble géopolitique. Ce faisant, il assumait certes son destin hors pair.
En effet quel destin extraordinaire fut le sien, le fils d'un obscur tisserand, devenu un empereur redouté !
Quelle épopée non moins extraordinaire fut la sienne : pendant seize longues années de lutte opiniâtre, il a résisté aux envahisseurs colonialistes dotés d'un armement sans commune mesure avec les fusils à pierre ! Ces questions ont reçu des réponses d'une grande valeur.
Notre modeste contribution 2 tendra simplement à faire connaître certains aspects inédits de sa vie, pouvant apporter un meilleur éclairage sur le sujet, d'où une meilleure compréhension de l'homme-individu dans son environnement politique, social et culturel.
Pour mieux cerner l'oeuvre de l'Almami Samori dans sa signification, et aussi dans ses limites, reportons-nous tout d'abord à cet autre fils du Manding: Soundiata Keita (XIIIè siècle).
Pourquoi Soundiata est-il resté une référence dans le Manding dès qu'il s'agit de grandeur, de courage et surtout de ténacité ? Il y a, en tout premier lieu, son amour filial qui lui fait accomplir un véritable prodige en venant à bout d'une infirmité qui semblait le condamner à végéter toute sa vie en marge de la société, lui le prince héritier légitime du trône de Niani.
Il y a ensuite son patriotisme sans faille et son courage exemplaire qui lui ont servi de levier pour reconquérir le trône usurpe par Soumangourou Kanté.
L'épisode du secret arraché à ce dernier par Nana Triban, soeur de Soundiata, loin d'amoindrir le mérite du héros, doit être considéré, au contraire, comme la marque du destin, la grâce divine qui soutient toujours les causes justes.
Enfin Soundiata a régné sur un vaste ensemble politique, le plus grand à l'époque dans tout l'Ouest africain.
Pour les ressemblances nous retrouvons aussi chez l'Almami Samori, l'amour filial qui l'a amené à se constituer captif à la place de sa mère, le patriotisme et le courage dont nous aurons le témoignage tout au long de cet ouvrage historique. Mais il y a une différence, et elle est d'importance !
En effet Soundiata était issu d'une dynastie royale. Bien qu'infirme au départ, il demeurait l'héritier légitime du trône des Keita à Niani ; il incarnait le pouvoir légal.
Aussi dès qu'il eut réuni les conditions pour la reconquête de son pays, il bénéficia aussitôt du soutien de toutes les forces vives.
Le ralliement du forgeron Fakoli Kourouma, avec tout ce qu'il représente comme support économique et puissance occulte, n'est pas étranger à la volonté de respecter et de soutenir la légitimité. Samori, quant à lui, a vu le jour dans une modeste famille de paysans vers 1830 à Minianbaladou, dans un hameau de culture de Sanankoro.
Dans son ascendance directe, du côté paternel, rien de singulier n'est à relever. Samori a cependant vaincu des chefs de guerre illustres:

Ces chefs étaient issus de féodalités traditionnelles ou maraboutiques.
Cette constatation nous amène à un deuxième élément de comparaison: Napoléon Bonaparte (1769-1821). D'éminents auteurs ont suffisamment brossé le tableau d'un parallèle éloquent entre les deux soldats, les deux conquérants. Napoléon et Samori sont sortis tous deux des rangs, ne pouvant se réclamer d'aucune dynastie féodale.
Cependant l'un et l'autre ont eu le souci de créer une dynastie avec des traditions. De part et d'autre ce fut un échec. Les deux héros ont été des météores qui ont illuminé pendant un temps des séquences de l'histoire de leurs pays 3. En conclusion il n'y a pas eu de dynastie samorienne. L'empire samorien naquit avec lui et fut voué à la disparition, avec lui.

Notes
1. Yves Person. Une révolution Dyula, tome 3, p. 2089.
2. Le hasard des mutations administratives a amené l'auteur à Komodougou (préfecture de Kérouané) en novembre 1954 en qualité de directeur d'école. Komodougou est dans le berceau de l'empire samorien. Le village natal du conquérant, Miniambaladou, est à moins de cinquante kilomètres de là.
L'auteur a bénéficié de conditions particulièrement favorables : l'appartenance à l'ethnie de la région, les facilités de contact, voire d'intégration, liées à la fonction sociale ; enfin le fait que son grand-père, Yaboye (Férébori) et son père, Minkossey (Sory), ont tous deux été des acteurs de l'épopée samorienne.
3. Les tentatives de Napoléon III et de Sékou Touré pour créer une tradition dynastique ont échoué.
Napoléon III n'était que le neveu de Napoléon Ier.
Sékou Touré était descendant de l'Almami Samori par sa mère Aminata Fadiga, fille de Ramata Touré, elle-même fille de l'empereur. Du côté paternel on peut se référer au corps du texte (cf. Bakari Touré).


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