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Histoire et Tradition Orale
Djibril Tamsir Niane
Soundjata ou l'épopée mandingue
Paris. Présence africaine.
1960. 212 pages
Écoutez donc, fils du Manding, enfants du peuple noir, écoutez ma parole, je vais vous entretenir de Soundjata, le père du Clair-Pays, du pays de la savane, l'ancêtre de ceux qui tendent les arcs, le maître de cent rois vaincus.
Je vais parler de Soundjata, Manding-Diara, lion du Manding, Sogolon Djata, fils de Sogolon, Nare Maghan Djata, fils de Nare Maghan, Sogo Sogo Simbon Salaba, héros aux noms multiples.
Je vais vous parler de Soundjata, celui dont les exploits étonneront longtemps encore les hommes. Il fut grand parmi les rois, il fut incomparable parmi les hommes; il fut aimé de Dieu car il était le dernier des grande conquérants.
Tout au début donc le Manding était une province des rois Bambara; ceux qu'on appelle aujourd'hui Maninka 1, habitants du Manding, ne sont, pas autochtones : ils viennent de l'Est. Bilali Bounama, l'Ancêtre des Kéita, était le fidèle serviteur du prophète Mohammadou, 2 (que la Paix de Dieu soit sur lui). Bilali Bounama eut sept fils l'aîné, Lawalo, partit de la Ville Sainte et vint s'établir au Manding; Lawalo eut pour fils Latal Kalabi, Latal Kalabi eut pour fils Damal Kalabi, qui eut pour fils Lahilatoul Kalabi.
Lahilatoul Kalabi fut le premier prince noir à venir faire le pèlerinage à la Mecque; au retour il fut pillé par des brigands du désert, ses hommes furent dispersés ; certains moururent de soif ; mais Dieu sauva Lahilatoul Kalabi, car c'était un homme droit. Il invoqua le Tout-Puissant et des Djinns apparurent et le reconnurent comme roi. Après sept années d'absence, par la grâce d'Allah tout-puissant, le roi Lahilatoul Kalabi put retourner au Manding où personne ne l'attendait plus.
Lahilatoul Kalabi eut deux fils, l'aîné : Kalabi Bomba et le cadet Kalabi Dauman ; l'aîné choisit le pouvoir royal et il régna, le cadet préféra la fortune, la richesse, et, il devint, l'ancêtre de ceux qui vont, de pays en pays chercher fortune.
Kalabi Bomba eut, pour fils Mamadi Kani. Mamadi Kani fut un roi chasseur comme les premiers rois du Manding. C'est Mamadi Kani qui inventa le Sïmbon 3 ou sifflet de chasseur, il entra en communication avec les génies de la forêt et de la brousse ; ceux-ci n'avaient pas de secrets pour lui, il fut aimé de Kondolon Ni Sané 4.
Notes
1. Maninka-Mali. Les habitants du Manding s'appellent Maninka ou Mandinka; Mali et Malinka est la déformation peulh de Manding et de Mandinka. Mali en malinké désigne l'hippopotame, il n'est pas exclu que Mali ait été le nom donné à une des capitales des Empereurs. Une tradition enseigne que Soundjata s'est métamorphosé en « Mali » dans le Sankari aussi n'est-il pas étonnant de trouver des villages dans le vieux Manding, qui ont pour nom « Mali ». Ce nom a pu être autrefois celui d'une grande ville. Dans le vieux Manding il existe un village nommé Malikoma (Mali-le-neuf).
2. Bilali et Mohammadou. Comme la plupart des dynasties musulmanes du Moyen Age, les Empereurs de Mali ont eu le souci constant de se rattacher à la famille du Prophète ou tout au moins à quelqu'un qui ait approché le Nabi.
Au XIVe siècle on verra Mansa Moussa retourner au Manding, après son pèlerinage, avec des représentants de la tribu arabe des Qoréichites (tribu de Mahomet) afin d'attirer sur son Empire la bénédiction du Prophète d'Allah. Après Kankon Moussa, plusieurs princes du Manding l'imiteront, en particulier Askia Mohamed au XVIè siècle.
3. Sïmbon. Littéralement le Sïmbon est le sifflet des chasseurs. Mais Simbon est, aussi un qualificatif honorable qui sert à désigner un grand chasseur. On appelle (Simbon-si) la veillée funèbre que les chasseurs d'une région organisent en l'honneur d'un collègue mort.
4. Kondolon est une divinité de la chasse. Elle a pour compagnon inséparable Sané. Ces deux divinités sont toujours liées. On les invoque de pair. Cette double divinité a la faculté d'être partout à la fois, quand elle se révèle à un chasseur celui-ci rencontre souvent le gibier. C'est à cette double divinité qu'incombe la garde de la brousse et de la forêt ; elle est aussi le symbole de l'union et de l'amitié ; on ne doit jamais les invoquer séparément au risque d'encourir des sanctions très sévères. Les deux divinités rivalisent parfois d'adresse, mais ne se brouillent jamais.
Dans le Hamana on attribue à Mamadi Kani le serment que le chasseur prête avant d'être reçu Sïmbon.
Voici le serment :
1. Voudras-tu satisfaire Sané ni Kondolon avant ton père (c'est-à-dire qu'il faut opter pour le Maître Sïmbon quand on est en présence d'un ordre de celui-ci et d'un ordre du père) ;
2. Sauras-tu que respect ne veut pas dire esclavage et accorder respect et soumission de tous les instants à ton Maître Sïmbon ;
3. Sauras-tu que la cola est bonne, que le tabac est bon, que le miel est doux, etc. et les céder à ton Maître.
Si oui, l'apprenti Chasseur est reçu.
Dans certaines provinces de Siguiri, ce serment est attribué à un certain Allah-Mamadi qui n'a pas été roi. Ses disciples étaient si nombreux qu'il les constitua en une armée qui devint redoutable ; il les réunissait souvent dans la brousse et leur enseignait l'art de la chasse. C'est lui qui révéla aux chasseurs les feuilles médicinales qui guérissent des blessures et des maladies. Grâce à la force de ses disciples il devint roi d'un vaste pays ; avec eux Mamadi Kani conquit tous les pays qui s'étendent depuis le Sankarani jusqu'au Bouré. Mamadi Kani eut quatre fils :
Ils furent tous initiés à l'art de la chasse et méritèrent le titre de Sïmbon. C'est la descendance de Bamari Tagnogo Kélin qui garda le pouvoir - il eut pour fils M'Bali Nènè, qui eut pour fils Bello, qui eut pour fils Bello Bakön
qui eut pour fils Maghan Kon Fatta dit Frako Maghan Keigu, Maghan le beau.
Maghan Kon Fatta est le père du grand Soundjata. Maghan Kon Fatta eut trois femmes et six enfants : 3 garçons et 3 filles. Sa première femme s'appelait Sassouma Bérété, fille d'un grand Marabout; elle fut la mère du roi Dankaran Touman et de la princesse Nana Triban; la seconde femme, Sogolon Kedjou est la mère de Soundjata et de deux princesses Sogolon Kolonkan et Sogolon Djamarou ; la troisième femme est une Kamara, elle s'appelait Namandjé, elle fut la mère de Manding Gory ou Manding Bakary qui fut le meilleur ami de son frère
Soundjata.
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